La passe-miroir, tome 1: Les fiancés de l'hiver de Christelle Dabos




Auteur: christelle Dabos
Édition: Gallimard
L'histoire: Sous son écharpe élimée et ses lunettes de myope, Ophélie cache des dons singuliers : elle peut lire le passé des objets et traverser les miroirs. Elle vit paisiblement sur l'Arche d'Anima quand on la fiance à Thorn, du puissant clan des Dragons. La jeune fille doit quitter sa famille et le suivre à la Citacielle, capitale flottante du Pôle. À quelle fin a-t-elle été choisie ? Pourquoi doit-elle dissimuler sa véritable identité ? Sans le savoir, Ophélie devient le jouet d'un complot mortel.
Ma note: 9,75/10



 


Ce livre est parfait. Il entre directement au panthéon de mes livres coups de grâce dans mon petit coeur, mes tripes, bref, il m'a séché sur place. C'est simple, je n'ai rien vu venir.

Je dois l'avouer, je n'étais pas emballé. Ce n'est pas l'aspect brique du roman, bien au contraire, j'en ai maté des plus coriaces et autrement plus soporifiques. Les premiers chapitres démarrent doucement, puis tout s'accélére, on a pas le temps de respirer, on vit sur le même tempo qu'Ophélie, ses aventures, dussais-je dire ses désagrément, ses surprises, ses misères qui s'enchainent et dont elle ne semble pas destinée à voir la fin, c'était...
Je n'ai rien vu venir. Parce qu'Ophélie est conventionnelle, quelconque, loin du stéréotype des héroïnes trop jolies. Myope a souhait engoncée dans une vieille écharpe miteuse avec une goutte au nez sans fin. C'est pourtant ce qui accroche. Elle ne vend pas du rêve. Elle est réelle, bien qu'elle vive dans un monde bien moins réel à nos yeux.

 Puis il y a Thorn.

Thorn, le type bien loin de la gravure de mode, maniaque, grand, trop mince, froid, distant, rigide, hygiénique au possible et dur. Je l'ai percé à jour sous ses airs de butor dédaigneux. Je l'ai aimé sous cette apparence peinte par l'auteur. Parce que Thorn est d'une beauté réelle, marquante. Thorn est charismatique. Il apprend et la carapace se fendille, mais le masque demeure. On aime ces fragments de Thorn autant que ses cicatrices qu'on devine plus profondes que ce qui est laissé entendre dans cet univers froid et vicieux qu'est le pôle.

Sous le faste et les lumières, on découvre la cour, aussi mal avisée qu'une assemblée de courtisans chez Louis XIV, toutes les extravagances sont la et côtoient les pires cruautés ainsi que les plus franches coups de poignards.

Puis encore Ophélie. Cette Ophélie effacée à peu prés certaine de bien des choses et qu'on a envie de secouer lorsqu'elle se cache derrière un déni beaucoup trop grotesque, même pour elle. J'ai aimé cette Ophélie frustrante.

J'ai aimé cette tante de Thorn revêche, que l'on déteste car on est sûr de l'avoir cernée en quelques pages alors que sa complexité la rend plus humaine qu'on ne l'aurait cru, qu'on se sent roulé dans la farine de l'avoir jugée si vite. Christelle Dabos dévoile et tend des pièges.

A chaque page, à chaque tournant, un protagoniste peut vous surprendre.

La plume de l'auteur, je ne pensais pas en faire les louanges, à la lecture des premiers chapitres je n'y trouvais rien de sensationnel, rien de nouveau, il y avait un peu Joanne Harris et un poil de Susan Fletcher, mais non. C'est du Christelle Dabos et bordel j'ai adoré!

Il se dégage un style assez formel, qui n'est pas dépourvu d'émotions pour autant, à la manière d'un conte de fées, le récit défile et on adore la façon dont l'auteur nous emmène dans les coulisses sans que les protagonistes le sachent. On sait ce qu'ils ressentent avant même que eux ne s'en rendent compte, et il n'est pas question de descriptions mièvres qui mettraient sur la voie, non. C'est subtil, magique, merveilleux et de l'ordre de la prouesse littéraire à mon sens.

Je m'emballe, je m'emballe et je perds mes mots et mes idées. Bref. Et si je vous dis que j'ai aimé le second avec cent fois plus d'adoration?



«  — J’ai tué un homme.
   Il avait jeté cela d’un ton nonchalant, comme une banalité, entre deux lampées de soupe. Les lunettes d’Ophélie blêmirent. A côté d’elle, la tante Roseline s’étrangla, au bord de la syncope. Berenilde reposa sa coupe de vin d’un geste calme sur la nappe de dentelle.
  — Où ? Quand ?
  Ophélie, elle, aurait demandé : « Qui ? Pourquoi ? »
  — A l’aérogare, avant que je n’embarque pour Anima, répondit Thorn d’une voix posée. Un disgracié qu’un individu mal intentionné m’a dépêché aux trousses. J’ai quelque peu précipité mon voyage en conséquence.
  — Tu as bien fait.
  Ophélie se crispa sur sa chaise. Comment donc, c’était tout ?
  « Tu es un assassin, parfait, passe-moi le sel… »


« De Thorn elle s'était attendue à tout. Brutalité. Mépris. Indifférence.
Il n'avait pas le droit de tomber amoureux d'elle. »

« – Je ne suis pas un grand bavard, dit-il enfin. J’ai toujours considéré que parler était une perte de temps, mais, j’espère que vous l’aurez remarqué, j’essaie d’aller à l’encontre de ma nature.
  Ophélie tapota nerveusement la couverture de son livre. Où Thorn voulait-il en venir ?
  – Vous n’êtes pas une pipelette non plus, enchaîna-t-il avec son accent trop dur. Si ça m’a soulagé au début, je vous avoue que vos silences ont maintenant plutôt tendance à m’embarrasser. Je n’ai pas la prétention de vous croire heureuse, mais au fond je n’ai pas la plus petite idée de l’opinion que vous vous faites de moi.
  Thorn se tut, comme s’il attendait une réponse, mais Ophélie fut incapable d’articuler un mot. Elle s’était attendue à tout sauf à cette déclaration. Ce qu’elle pensait de lui ? Depuis quand s’en souciait-il ? Il n’avait même pas confiance en elle. » 
 

Intérêts: L'originalité, la créativité, l'univers, la plume de l'auteur, THORN, le rythme de l'intrigue.
Regrets: Des premiers chapitres long au démarrage. J'ai parfois eu envie de filer des claques à certains personnages (Ophélie? Ouvre les yeux bon sang!), mais ce n'est pas un défaut du récit, juste un sentiment personnel. Ce livre est parfait, je vous l'ai dit?


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